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Colette. Claudine en ménage

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Разработка содержит материалы о жизни и творчестве известной французской писательницы Сидони-Габриель Колетт и учебные материалы к отрывку из романа "Клодина замужем".

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«Colette. Claudine en ménage»

Colette. Claudine en ménage


1. Lisez le texte et répondez aux questions :

1. Qui est Colette ? Dans quelle famille est-elle née ? Comment était son enfance et adolescence ?

2 Qui était Willy ? Quel est son rôle dans l'engagement de la jeune Gabrielle à écrire?

4. Quelle était la vie de Colette après la libération et son divorce d'avec Willy ?

5. Comment vivait-elle après le mariage avec Henry de Jouvenel ? Et après le divorce?

6. Qui étaient les amis et les collaborateurs de Colette?

7. Quelles étaient ses activités après le 3e mariage ?

8. Quels ouvrages a-t-elle écrits ?

Colette

Sidonie-Gabrielle Colette née le  28  janvier  1873  à  Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), et morte le 3 août 1954 à Paris, est une femme de lettres française, connue surtout comme romancière, mais qui fut aussi mime, actrice et journaliste.

Après Judith Gautier en 1910, Colette est la deuxième femme élue membre de l'Académie Goncourt en1945. Elle en est en outre, entre 1949 et 1954, la première femme présidente.

Gabrielle Colette est la dernière des quatre enfants (deux filles et deux garçons) de Sidonie Landoy, dite « Sido », et du capitaine Jules-Joseph Colette, saint-cyrien, zouave qui a perdu une jambe lors de la bataille de Melegnano et est devenu percepteur. Elle passe une enfance heureuse à Saint-Sauveur-en-Puisaye, un gros village de Bourgogne. Adorée par sa mère comme un « joyau tout en or » au sein d'une nature fraternelle, elle reçoit une éducation laïque. Sido, féministe et athée convaincue qui ne craint pas de troubler le curé de Saint-Sauveur avec son chien ou de lire Corneille caché dans un missel, lui apprend l'art de l'observation, notamment dans le jardin donnant sur la cour de la maison.

La jeune Gabrielle lit très tôt les grands classiques et prend des leçons de français et de style auprès de son père, grand lecteur de journaux. Sido ayant des goûts de luxe que son mari ne peut lui refuser, la famille ruinée doit quitter Saint-Sauveur et s'installe en novembre 1891 à Châtillon-sur-Loing.

Adolescente, Gabrielle rencontre Henry Gauthier-Villars, séducteur compulsif surnommé « Willy », avec qui elle se marie le 15 mai 1893 à Châtillon-sur-Loing.

Willy est un critique musical très influent et un auteur prolifique de romans populaires, écrits en tout ou partie par des nègres. Il est aussi l'un des propriétaires de la maison d'édition Gauthier-Villars au 55 quai des Grands-Augustins, et le couple s'installe au dernier étage de l'immeuble. Il introduit sa jeune femme dans les cercles littéraires et musicaux de la capitale où Gabrielle fait sensation avec l'accent rocailleux de sa Bourgogne natale. Surpris par les dons d'écriture de sa jeune épouse, Willy l'utilise elle aussi comme nègre littéraire (le premier manuscrit de Colette date de 1893).

En 1895, il l'engage à écrire ses souvenirs d'école, puis les signe de son seul nom. Ainsi paraît, sous le pseudonyme « Willy », Claudine à l'école, bientôt suivi d'une série de Claudine (La Maison de ClaudineClaudine à ParisClaudine en ménage, etc.).

Willy entretient, entre autres, une liaison avec la femme d'Émile Cohl, Marie-Louise Servat, dont il a eu un fils, Jacques Henry Gauthier-Villars, né en 1889, et donc bien avant leur mariage ; c'est d'ailleurs en mettant cet enfant en nourrice à Châtillon-Coligny qu'il rencontre Colette. Celle-ci, jalouse et frustrée, se libère de plus en plus de cette tutelle. En 1905, elle publie Dialogues de bêtes sous le nom de Colette Willy.

Pour gagner sa vie, encouragée par le comédien et mime Georges Wague (1874-1965), elle poursuit de 1906 à 1912 une carrière au music-hall, où elle présente des pantomimes orientales dans des tenues très légères, puis se produit au théâtre Marigny, au Moulin Rouge, au Bataclan ou en province. Ce sont des années de scandale et de libération morale : après son divorce d'avec Willy en 1906, elle vit plusieurs aventures féminines, notamment avecMathilde de Morny (Missy), fille du duc de Morny et sa partenaire sur scène, en 1911, chez qui elle vit le plus souvent et qui lui a offert la villa Roz Ven à Saint-Coulomb en Bretagne, ou avec Natalie Clifford Barney dite « l'Amazone ». Durant toute cette période, Colette chemine aussi dans sa vocation d'écrivain. Elle publie des ouvrages évoquant ces années, comme La VagabondeL'Envers du music-hall ou En tournée.

Ensuite elle fait la connaissance d'Henry de Jouvenel, politicien et journaliste, qu'elle épouse en 1912 et qui l'engage à donner quelques billets et reportages au journal Le Matin, dont il est le rédacteur en chef. De lui, à Castel Novel de Varetz en Corrèze, elle a son seul enfant, Colette Renée de Jouvenel, dite « Bel-Gazou ». À plus de quarante ans, alors que son mari la trompe, elle initie à l'amour le fils de son époux, Bertrand de Jouvenel, qui n'a pas encore dix-sept ans. Cette relation qui dure cinq années nourrit les thèmes et les situations dans Le Blé en herbe. En ce qui concerne Chéri, c'est un fantasme devenu réalité, puisque le livre publié en 1920 a été conçu en 1912, soit quelques années avant sa liaison avec Bertrand de Jouvenel. Le divorce d'avec Henry de Jouvenel sera prononcé en 1923. Comme elle le fera pour Willy dans Mes apprentissages, Colette se vengera de son ex-mari par un roman, Julie de Carneilhan.

En juin 1919, Colette, directrice littéraire du journal Le Matin, contacte Léopold Marchand, figure marquante du théâtre entre les deux guerres, pour contribuer à une nouvelle rubrique dénommée Mille et un Matins. C'est au Matin qu'elle embauche Hélène Picard, qui devient par la suite son amie, comme secrétaire. Colette invite Léopold Marchand dans sa demeure bretonne de Roz Ven à Saint-Coulomb près de Saint-Malo. En 1921, Léopold Marchand collabore avec Colette à l'adaptation théâtrale de Chéri. Il s'occupe de la mise en scène et joue même un rôle. En 1923, il adapte pour le théâtre le roman de Colette La Vagabonde. Colette a publié dans La Jumelle noire l'ensemble des critiques littéraires qu'elle a écrites sur les pièces de Léopold Marchand.

Mélomane avertie, Colette collabore avec Maurice Ravel entre 1919 et 1925 pour la fantaisie lyrique L'Enfant et les Sortilèges. Elle a été l'amie de la reine Élisabeth de Belgique, de Marguerite Moreno, de Renée Vivien, et a eu quelques brouilles avec la célèbre demi-mondaine de la Belle Époque, Liane de Pougy.

Colette préside (dès la seconde année) le jury du prix littéraire La Renaissance créé par Henry Lapauze en vue de distinguer « l'auteur du meilleur ouvrage ».

Elle rencontre son troisième mari, Maurice Goudeket au début de l'année 1925.

En 1932, Colette, qui a besoin de gagner sa vie, ouvre rue de Miromesnil à Paris un institut de beauté qui ne reçoit pas le succès escompté et ferme assez rapidement.

Pendant l'Occupation, elle séjourne quelques mois chez sa fille en Corrèze dans le village de Curemonte puis revient à Paris, avec Maurice Goudeket (qu'elle sauva de la Gestapo), passer toute la durée de la guerre dans son appartement du Palais-Royal. Immobilisée dans sa « solitude en hauteur » dans son « lit-radeau » (offert par la princesse de Polignac) par une arthrite de la hanche, elle continue d'écrire à partir des fenêtres, véritables portes ouvertes sur le monde.

En 1945, Colette est élue à l'unanimité à l'académie Goncourt, dont elle devient présidente en 1949. Ayant vite compris que la célébrité passe par la maîtrise de son image, elle devient l'écrivain la plus photographiée du xxe siècle. Les Œuvres complètes de Colette sont publiées en quinze volumes par la maison d'édition Le Fleuron, créée par Maurice Goudeket.

En 1952 elle interprète son propre personnage dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon intitulé simplementColette et qui est devenu un classique du genre, puisqu'il s'agit du seul film qu'elle interprète. En 1953, elle est élevée à la dignité de grand officier de l'ordre national de la Légion d'honneur.

Sa réputation sulfureuse conduit au refus par l'Église catholique d'un enterrement religieux. La France l'honore : Colette est la première femme à laquelle la République ait accordé des obsèques nationales. Elle est enterrée à Paris aucimetière du Père-Lachaise.


1. Lisez le résumé du roman Claudine en ménage et répondez aux questions :


1. Où et quand se déroule l’action de ce roman ?

2. Quel est le sujet du roman ?

3. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?

4. Nommez les personnages du roman.


Résumé

Paru en 1902, ce roman est le troisième de la série des "Claudine".

Désormais mariée à Renaud qu'elle aime tendrement, Claudine s'ennuie cependant et ne se sent pas chez elle dans l'appartement de son époux. Le couple se met alors à recevoir. Au cours d'une de ces soirées, Claudine fait la connaissance de la belle Rézi avec qui elle va nouer une tendre amitié puis une liaison, largement encouragée par Renaud.
Bien sûr, en lisant ce genre de roman, on se demande quelle en est la part autobiographique. Colette, comme Claudine, était mariée à un homme beaucoup plus âgé qu'elle, Willy. Cependant, Renaud paraît plus séduisant que Willy et semble plus élégant : n'oublions pas que Willy s'est attribué sans vergogne la paternité des ouvrages écrits par sa jeune épouse. Il semblerait aussi que les lecteurs de l'époque aient pu reconnaître dans les invités du couple des figures de la vie parisienne : Anatole France, Marcel Proust...

Colette s'est cependant défendue d'une quelconque réalité biographique... et pourtant, une certaine Georgie Raoul-Duval, se reconnaissant dans la séduisante Rézi, aurait tenté d'empêcher la sortie du livre !
Voilà donc une œuvre intéressante avec plusieurs pistes de réflexion :

- Le rôle ambigu de Renaud, mari plus que complaisant, qui pousse sa femme dans les bras de Rézi. D'ailleurs, ni lui, ni Claudine ne jugent cette liaison importante ou dangereuse pour leur couple.

- Le surprenant regard peu bienveillant qu'une Claudine bisexuelle porte sur l'homosexualité du fils de Renaud, qu'elle n'hésite pas à traiter de "détraqué".

- La façon embarrassante (pour le lecteur) dont Claudine et Renaud, de passage à l'école de Montigny, tournent autour des fillettes restées là pendant les vacances...

L'atmosphère y est un peu morose et l'action quelque peu languissante. Il reste bien sûr l'écriture colorée et les dialogues savoureux aux tournures délicieusement désuètes.



1. Lisez le fragment du roman et répondez aux questions :

1. Où et quand se déroule l’action de ces chapitres?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Quelle période de la vie de ce couple est décrite dans cet extrait ? Comment est-elle ?

4. Comment peuvent être caractérisés les persommages par leur attitude envers leur appartement ?

5. Quelles rencontres se rappelle Claudine ?

6. Quels attributs sont employés pour d’écrire Fanchette et le père de Claudine?

7. Comment « reigne » Claudine dans sa maison ?

8. De quoi s’occupent Renaud et Claudine ?

9. Quel est leur entourage?

10. Quels regards et paroles Claudine rencontre-t-elle à son sujet ?

11. Quelle est la réaction de Claudine envers la proposition de Renaud de « prendre un jour » ?

12. Qui est Marcel ? Quels sentiments éprouve-t-on envers lui ? Quels sentiments éprouve Marcel?

13. Comment est la visite chez Papa ? De quoi est-il occupé ? Quelle décision a-t-il prise ? Pourquoi ?

14. Comment était la soirée chez la mère Barman ?

15. Quelles comparaisons et par qui étaient utilisées à l’égard de Claudine chez la mère Barman  ?

16. Comment a-t-elle réagi ?

17. Donnez la caractéristique d’un des personnages de cet extrait.

18. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?



V

Nous voici chez nous ; finies, les courses lassantes du retour ; calmée, la fièvre de Renaud qui voudrait que le nouveau gîte me plût.

Il m'a priée de choisir entre deux appartements, qui sont siens tous deux. (Deux appartements, c'est pas guère pour un Renaud…) « S'ils ne te conviennent pas, mon enfant chérie, nous en trouverons un autre plus joli que ces deux-là. » J'ai résisté au désir de répondre : « Montrez-moi le troisième », et, ressaisie par mon insurmontable horreur du déménagement, j'ai examiné, assez consciencieuse, j'ai flairé surtout. Et, reconnaissant plus sympathique à mon nez irritable l'odeur de celui-ci, je l'ai choisi. Il y manquait peu de chose ; mais Renaud, soucieux du détail, et d'esprit plus femme que moi, s'est ingénie, fureteur, à compléter un ensemble sans trou ni tare. Inquiet de me plaire, inquiet aussi de tout ce qui peut choquer son œil trop averti, il m'a consultée vingt fois. Ma première réponse fut sincère : « Ça m'est égal ! », la seconde aussi ; au chapitre du lit, « cette clef de voûte du bonheur conjugal », comme s'exprime Papa, je donnai mon avis, net :

– Je voudrais mon lit bateau à rideaux de perse. (Sur quoi mon pauvre Renaud leva des bras désemparés :)

– Misère de moi ! un lit bateau dans une chambre Louis XV !

D'ailleurs, chérie, monstrueuse petite fille, songe donc ! Il lui faudrait mettre une rallonge, que dis-je ? une rallarge…

Oui, je sais bien. Mais qu'est-ce que vous voulez ? Je ne pouvais pas m'intéresser beaucoup à un mobilier que je ne connaissais pas, – pas encore. Le grand lit bas est devenu mon ami, et le cabinet de toilette aussi, et quelques vastes fauteuils en cabanon.

Mais le reste continue à me regarder, si j'ose dire, d'un œil ombrageux ; l'armoire à glace louche quand je passe ; la table du sa lon, à pieds galbés, cherche à me donner des crocs-en-jambe, et je le lui rends bien.

Deux mois, Seigneur, deux mois, ça ne suffit donc pas pour apprivoiser un appartement ! Et j'ét ouffe la voix de la raison, qui grogne : « En deux mois on apprivoise beaucoup de mobiliers, mais pas une Claudine. »

Fanchette consentirait-elle à vivre ici ? Je l'ai retrouvée rue Jacob, la chère blanche et belle, on ne l'avait pas avertie de mon retour, et j'ai eu gros cœur à la voir prostrée d'émotion à mes pieds, sans voix, tandis que ma main sur son tiède ventre rose ne parvenait pas à compter les pulsations affolées de son cœur de chatte. Je l'ai étendue sur le flanc pour peigner sa robe ternie ; à ce geste familier elle a levé sa tête avec un regard si plein de choses : reproche, tendresse sûre, tourment accepté avec joie… Oh ! petite bête blanche, comme je me sens proche de toi, à te si bien entendre !

J'ai revu mon noble père, barbu de trois couleurs, haut et vaste, plein de mots sonores et d'inutile ombativité. Sans le savoir bien, nous nous aimons, et j'ai compris tout ce que sa phrase d'accueil : « Daigneras-tu m'embrasser, vile engeance ? » contenait de vrai plaisir. Je crois qu'il a grandi depuis deux ans. Sans rire ! et la preuve, c'est qu'il m'a avoué se sentir à l'étroit rue Jacob. Je reconnais qu'il a ajouté ensuite : « Tu comprends, j'ai acheté, ces temps-ci, pour rien, des bouquins à l'Hôtel des ventes… Dix-neuf cents, au moins… Sacré mille troupeaux de cochons ! J'ai été forcé de les foutre au garde-meuble ! C'est si petit, cette turne… Au lieu que, dans cette chambre du fond qu'on n'ouvre jamais, à Montigny, je pourrais… » Il tourne la tête et tire sa barbe, mais nos yeux ont eu le temps de se croiser, avec un drôle de regard. Il est f…, il est capable, veux-je dire, de retourner là-bas, comme il est venu ici, sans motif…

J'élude ce que j’ai de pénible à écrire. Ce n'est peut-être rien de grave ? Si ça pouvait n'être rien de grave ! Voici :

Depuis hier tout est en place chez Ren… chez nous. On ne reverra plus la tatillonnerie importante du tapissier, ni l'incurable distraction du poseur de stores qui égarait pendant un quart d'heure, toutes les cinq minutes, ses petites machines en cuivre doré. Renaud se sent à l'aise, se promène, rit à une petite pendule correcte, malmène un cadre qui n'est pas d'équerre. Il m'a prise sous son bras pour faire le tour des ropriétaires ; il m'a laissée, après un baiser réussi, dans le salon (sans doute pour aller travailler de son état dans la Revue diplomatique, régler le sort de l'Europe avec Jacobsen, et traiter Abdul-Hamid comme il le mérite), en me disant : « Mon petit despote, tu peux régner à ta guise. »

Assise et désœuvrée, ma songerie m'emporte, longtemps. Puis une heure sonne, je ne sais pas laquelle, et me met debout, incertaine du temps présent. Je me retrouve devant la glace de la cheminée, épinglant à la hâte mon chapeau… pour rentrer .

C'est tout. Et c'est un écroulement. Ça ne vous dit rien, à vous ? Vous avez de la veine.

Pour rentrer ! Mais où ? Mais je ne suis donc pas chez moi ici ? Non, non, et tout le malheur est là.

Pour rentrer ! où ? Pas chez Papa, bien sûr, qui entasse sur mon lit des montagnes de sales papiers. Pas à Montigny, puisque, ni la chère maison… ni l'École…

Pour rentrer ! Je n'ai donc pas de demeure ? Non ! J'habite ici chez un monsieur, un monsieur que j'aime, soit, mais j'habite chez un monsieur ! Hélas ! Claudine, plante arrachée de sa terre, tes racines étaient donc si longues ? Que dira Renaud ? Rien. Il ne peut rien.

Où rentrer ? En moi. Creuser dans ma peine, dans ma peine déraisonnable et indicible, et me coucher en rond dans ce trou.

Assise de nouveau, mon chapeau sur la tête, les mains serrées très fort l'une dans l'autre, je creuse.

VI

Mon journal est sans avenir. Je l'ai quitté voilà cinq mois sur une impression triste, et je lui en veux. D'ailleurs je n'ai pas le temps de le tenir au courant. Renaud me répand et m'exhibe dans le monde, un peu dans tous les mondes, plus que je ne souhaiterais. Mais puisqu'il est fier de moi, s'pas, je ne peux pas lui faire de peine en refusant de l'accompagner…

Son mariage – je n'en savais rien – a remué la foule variée (j'allais écrire « maillacée ») des gens qu'il connaît. Non, il ne les connaît pas. Lui, on le connaît én ormément. Mais il n'est pas capable de mettre un nom sur la moitié des individus avec qui il échange des shakehands cordiaux et qu'il me présente. Éparpillement, légèreté, incorrigible, il n'est attaché sérieusement à rien… qu'à moi. « Qui est ce monsieur, Renaud ? – C'est… Bon, son nom m'échappe. » Enfin ! Il paraît que le métier veut ça ; il paraît que le fait de rédiger des études profondes pour de graves publications diplomatiques vous procure, infailliblement, la poignée de main d'un tas de genreux, de femmes maquillées (demi-mondaines ou mondaines tout entières), de théâtreuses indiscrètes et cramponnes, de peintres et de modèles…

Mais Renaud fait tenir dans ces trois mots de présentation « Ma femme, Claudine » tant d'orgueil conjugal et paternel (dont la naïveté tendre, chez ce Parisien blasé, me touche), que je rentre mes piquants et que j'efface tout de même les plis amassés entre mes sourcils. Et puis, j'ai d'autres dédommagements : une joie vengeresse à répondre, quand Renaud me nomme vaguement un « Monsieur… Durand » :

– Vous m'avez dit avant-hier qu'il s'appelait Dupont !

La moustache claire et la figure foncée s'empreignent de consternation :

– Je t'ai dit ça ? Tu es sûre ? Me voilà propre ! Je les ai confondus tous deux avec… l'autre, enfin, ce crétin que je tutoie parce que nous étions ensemble en sixième.

N'importe, je m'habitue mal à des intimités aussi vagues.

J'ai recueilli, ici et là, dans les couloirs de l'Opéra-Comique, aux concerts Chevillard et Colonne, en soirée, en soirée surtout – au moment où la crainte de la musique assombrit les visages –, des regards et des paroles qui ne marquaient pas, à mon sujet, une exclusive bienveillance. On s' occupe donc de moi ? Ah ! c'est vrai, je suis la femme de Renaud, ici, comme à Montigny il est le mari de Claudine. Ces Parisiens parlent bas, mais les oreilles des gens du Fresnois entendraient pousser l'herbe.

On dit : « C'est bien jeune. » On dit : « Trop brune… l'air mauvais… – Comment, trop brune ? Elle a des boucles châtain. – Ces cheveux courts, c'est pour forcer l'attention ! Renaud a du goût pourtant. » On dit : « D'où ça sort-il ? – C'est montmartrois. – C'est slave, le menton petit et les tempes larges. – Ça sort d'un roman unisexuel de Pierre Louÿs… – Quel âge a-t-il donc, pour se plaire déjà aux petites filles, Renaud ? »

Renaud, Renaud… Voilà qui est caractéristique : on ne le désigne jamais que par son prénom.

VII

Hier, mon mari me demande :

– Claudine, tu prendras un jour ?

– Pour quoi faire, grand Dieu !

– Pour bavarder, pour « faire patiapatia », comme tu dis.

– Avec qui ?

– Avec des femmes du monde.

– Je n'aime pas beaucoup les femmes du monde.

– Avec des hommes aussi.

– Ne me tentez pas !… Non, je ne prendrai pas de jour. Pensez-vous que je sache recevoir ?

– J'en ai bien un, moi !

– Oh ! vous ?… Eh bien, gardez-le ; je viendrai vous voir à votre jour. Allez, c'est plus prudent. Sans quoi, je serais capable, au bout d'une heure, de dire à vos belles amies : « Allez-vous-en, je suis rebutée. Vous m'aralez ! »

Il n'insiste pas (il n'insiste jamais), il m'embrasse (il m'em-brasse toujours) et sort en riant.

Pour cette misanthropie, pour cette aversion craintive du « monde », maintes fois proclamée, mon beau-fils Marcel m'accable de son mépris courtois. Ce petit garçon, si insensible aux femmes, recherche assidûment leur compagnie, papote, touche des étoffes, verse du thé sans ta cher les robes délicates, et clabaude avec passion. Quand je l'appelle « ce petit garçon », j'ai tort. À vingt ans, on n'est plus un petit garçon, et lui restera longtemps petite fille. À mon retour, je l'ai trouvé encore charmant, mais tout de même un peu fripé, mince à l'excès, les yeux agrandis et l'expression détraquée, trois fines rides précoces au coin des paupières… Les doit-il à Charlie seul ?

La colère de Renaud contre cet enfant fourbe n'a pas duré très longtemps : « Je ne peux pas oublier que c'est mon petit, Claudine. Et peut-être, si je l'avais élevé mieux… » Moi, j'ai pardonné à Marcel par indifférence. (Indifférence, orgueil, intérêt inavoué – et assez inavouable – pour les déviations de sa vie sentimentale.)

Et je ressens un doux plaisir, qui ne s'émousse pas, à regarder, sous l'œil gauche de cette fille ratée, la ligne blanche qu'y a laissée ma griffe !

Mais ce Marcel m'étonne. Je m'attendais à sa rancune inlassable, à une hostilité ouverte. Rien de tout cela ! De l'ironie souvent, du dédain aussi, de la curiosité, c'est tout.

Sa seule occupation, c'est lui-même ! Souvent, il se regarde dans les glaces, et tire, des deux index appuyés sur les sourcils, la peau de son front aussi haut qu'elle peut monter. Surprise de ce geste, maladif à force d'être fréque nt, je l'interroge : « C'est pour reposer l'épiderme au-dessous des yeux », répond-il fort sérieusement. Il allonge au crayon bleu le cerne de ses paupières ; il risque de trop beaux boutons de manchettes en turquoises. Pouah ! À quarante ans, il sera sinistre…

Malgré ce qui s'est passé entre nous, il n'éprouve pas de gêne à me faire des demi-confidences, par bravade inconsciente, ou par détraquement moral qui va s'aggr avant. Hier, il traînait, ici, lagrâce exténuée de sa taille trop fine, de son visage animé d'une fièvre lumineuse.

– Vous semblez éreinté, Marcel ?

– C'est que je le suis.

(Le ton agressif est de mise entre nous. C'est un jeu, ça ne signifie pas grand-chose.)

– Charlier, toujours ?

– Oh ! je vous en prie !… Il sied à une jeune femme d'ignorer, ou du moins d'oublier certains désordres d'esprit… c'est bien « désordres » que vous dites ?

– Ma foi, oui, on dit « désordres »… je n'oserais pas ajouter, « d'esprit ».

– Merci pour le corps. Mais, entre nous, ma fatigue n'a rien dont Charlier se doive enorgueillir. Charlie ! un indécis, un flottant…

– Allons donc !

– Croyez-moi. Je le connais mieux que vous…

– Je m'en flatte.

– Oui, c'est un timoré, au fond.

– Tout au fond…

– De l'histoire ancienne, notre amitié… Je ne la renie pas, je la romps, et sur des incidents pas très propres…

– Pis que ça. Il a oublié chez moi un carnet plein de lettres de femmes !

Avec quel dégoût haineux il a mâché son accusation ! Je le regarde, en réfléchissant profondé ment. C'est un dévoyé, un malheureux enfant – presque irrespons able – mais il a raison. Il faut seulement se mettre à sa place (eh là !) en imagination.

Il est dit que tout m'arrivera brusquement, les joies, les peines, les événements sans importance. Non pas, mon Dieu, que je me spécialise dans l'extraordinaire ; à part mon mariage… Mais le temps s'écoule pour moi comme pour la grande aiguille de certaines horloges publiques ; elle est là bien tranquille pendant cinquante-neuf secondes, et, tout d'un coup, elle saute sans transition dans la minute suivante, av ec une saccade ataxique. Les minutes la saisissent sans douceur, comme moi… Je n'ai pas dit que ce fût absolument et toujours désagréable, mais…

Voici ma dernière saccade : je vais voir Papa, Mélie, Fanchette et Limaçon. Ce dernier, splendide et rayé, fornique avec sa mère et nous ramène aux plus mauvais jours de l'histoire des Atrides. Le reste du temps, il arpente le logis, arrogant, léonin et rageur.

Aucune des vertus de son aimable et blanche mère n'a passé en lui.

Mélie se précipite, portant dans la main le globe de son sein gauche, comme Charlemagne celui du monde…

– Ma France adorée, j'allais te faire un mot d'écrit !… Si tu savais, tout est au feu et à sang ici… Tiens, t'es gente avec ce chapeau-là…

– Applette, applette ! Tout est à feu et à sang ! Pourquoi ? Limaçon a renversé son… crachoir ?

(Blessée de mon ironie, Mélie se retire.)

– C'est comme ça ? Va demander à Monsieur, tu verras voir.

Intriguée, j'entre sans frapper chez Papa, qui se retourne au bruit et démasque une caisse énorme, qu'il remplit de bouquins. Sa belle figure velue revêt une expression inédite : fureur inoffensive, gêne, confusion puérile.

– C'est toi, petite bourrique ?

– Il y a apparence. Qu'est-ce que tu fais donc, Papa ?

– Je… range des papiers.

– Quel drôle de portefeuille tu as là ! Mais… je la connais cette caisse… Ça vient de Montigny, ça !

Papa a pris son parti. Il boutonne sa redingote à taille, s'assied en prenant des temps et croise les bras sur sa barbe :

– Ça vient de Montigny et ça y retourne ! C'est compris ?

– Non, pas du tout.

(Il me dévisage, les sourcils rabattus en buissons, baisse la voix, et risque le paquet :)

– Je fous le camp !

J'avais très bien compris. Je sentais venir cette fuite sans cause. Pourquoi est-il venu ? pourquoi s'en va-t-il ? Je rêve. Papa est une force de la Nature ; il sert l'obscur Destin. Sans le savoir, il est venu ici, pour que je pusse rencontrer Renaud ; il s'en va, ayant rempli sa mission de père irresponsable…

Comme je n'ai rien répondu, cet homme terrible se rassure.

– Tu comprends, j'en ai assez ! Je me crève les yeux dans cette turne ; j'ai affaire à des gredins, à des gniafs, à des galapiats. Je ne peux pas remuer un doigt sans heurter le mur ; les ailes de mon esprit se déchirent à l'ignorance universelle… Sacré mille troupeaux de cochons galeux ! Je retourne à ma vieille cambuse ! Viendras-tu m'y voir, avec le malandrin que tu épousas ?

(Ce Renaud ! Il a séduit même Papa, qui le voit rarement, mais ne parle jamais de lui sans une particulière inflexion de tendresse bourrue.)

– Parié, voui, j'irai.

– Mais… j'ai bien des choses importantes à te dire : quoi faire de la chatte ? Elle est habituée à moi, cette bête…

– La chatte ?…

(C'est vrai, la chatte !… Il l'ai me beaucoup. Mélie sera là d'ailleurs, et je me méfie pour Fanchette du valet de chambre de Renaud, de la cuisinière de Renaud … Ma chérie, ma fille, je dors à présent contre une autre chaleur que la tienne… Je me décide :)

– Emmène-la. Je verrai plus tard ; peut-être la reprendrai je…

(Je sais surtout que, sous prétexte de devoir filial, je pourrai revoir la maison enchantée de souvenirs telle que je l'ai laissée, l'École suspecte et chère… Au fond, je bénis l'exode paternel.)

– Emmène ma chambre aussi, Papa. J'y coucherai quand nous irons te voir.

(D'un geste, le rempart de la Malacologie m'abîme sous son mépris.)

– Pouah ! tu ne rougiras pas de cohabiter sous mon toit impollué avec ton mari, comme vous faites toutes, bêtes impures ! Qu'est-ce, pour vous, que la chasteté régénératrice ?

Que je l'aime ainsi ! Je l'embrasse et je m'en vais, le laissant en train d'enfouir ses trésors dans la vaste caisse, et de fredonner allégrement une paysannerie dont il raffole :

Vous comprenez ben c'que parler veut dire :

Elle a mis sa main sur sa tirelire,

Vous m'comprenez bien,

Je n'dirai plus rien !

Si c'est ça, l'hymne à la Chasteté régénératrice !

– Décidément, chérie, je vais reprendre mon jour.

J'apprends cette grave nouvelle de Renaud dans notre cabinet de toilette où je me déshabille. Nous avons passé la soirée chez la mère Barman et assisté, pour changer, à une solide prise de bec entre cette chouette épaissie et le goujat tapageur qui partage sa destinée. Elle lui dit : « Vous êtes commun ! » Il réplique : « Vous embêtez tout le monde avec vos prétentions littéraires ! » Tous deux ont raison. Il hurle, elle piaille. La séance continue. À court d'invectives, il jette sa serviette, quitte la table et grimpe tumultueusement dans sa chambre. Tout le monde soupire et se détend, on dîne à l'aise, et au dessert l'amphitryonne expédie la femme de chambre Eugénie amadouer (à l'aide de quels procédés mystérieux ?) le gros homme, qui finit par redescendre calmé, sans faire jamais d'excuses. Ce pendant Gréveuille, l'académicien exquis, qui craint les coups, donne fort à sa vénérable amie, pelote le mari, et reprend du fromage.

Dans ce milieu charmant, j'apporte en écot ma tête frisée, mes yeux soupçonneux et doux, un décolletage ambigu – cou robuste et nuque renflée sur des épaules minces – et un mutisme gênant pour mes voisins de table.

On ne me fait pas la cour. Mon mariage récent tient encore à distance, et je ne suis pas de la race qui cherche à attirer les flirts.

Un mercredi, chez cette mère Barman, je fus traquée, poliment, par un jeune et joli garçon de lettres. (Beaux yeux, ce petit, un soupçon de blépharite ; n'importe…) Il me compara – toujours mes cheveux courts ! – à Myrtocleia, à un jeune Hermès, à un Amour de Prud'hon ; il fouilla, pour moi, sa mémoire et les musées secrets, cita tant de chefs-d'œuvre hermaphrodites que je songeai à Luce, à Marcel, et qu'il faillit me gâter un cassoulet divin, spécialité de la maison, servi dans de petites marmites cerclées d'argent. « À chacun sa marmite ; comme c'est amusant, n'est-ce pas, cher maître ? » chuchotait Maugis dans l'oreille de Gréveuille, et le pique-assiette sexagénaire acquiesçait d'un asymétrique sourire.

Mon petit complimenteur, excité par ses propres évocations, ne me lâchait plus. Blottie dans une guérite Louis XV, j'entendais, sans l'écouter qu'à peine, défiler sa littérature… Il me contemplait de ses yeux caressants, à longs cils, et murmurait, pour nous deux :

– Ah ! c'est la rêverie de Narcisse enfant, que la vôtre, c'est son âme emplie de volupté et d'amertume…

– Monsieur, lui fis-je fermement, vous divaguez. Je n'ai l'âme pleine que de haricots rouges et de petits lardons fumés.

Il se tut, foudroyé.

Renaud me gronda un peu, et rit davantage.

– Vous reprenez votre jour, mon ami doux ?

Il a installé son grand corps dans un fauteuil de paille et je me déshabille avec le chaste sans-gêne qui m'est habituel. Chaste ? disons : dépourvu d'arrière-pensée.

– Oui. Qu'est-ce que tu comptes faire, mon enfant chérie ? Tu étais bien jolie et bien pâlotte, tout à l'heure, chez la Barman au nez crochu…

– Ce que je compte faire quand vous aurez repris votre jour ? Mais je compte aller vous voir.

– C'est tout ? dit son menton déçu.

– Oui, c'est tout ; et qu'y ferais-je à votre jour ?

– Mais enfin, Claudine, tu es ma femme !

– À qui la faute ? Si vous m'aviez écoutée, je serais votre maîtresse, mussée bien tranquille dans un petit rabicoin…

– Rabicoin ?

– Oui, dans un petit cagibi quelconque, loin de tout votre monde, et vos réceptions suivraient leur train accoutumé. Faites donc comme si vous étiez mon amant…

(Mon Dieu, il me prend au mot ! Parce que je viens de relever, d'un pied leste, mon jupon de soie mauve tombé à terre, mon grand mari se mobilise, féru de la double Claudine reflétée dans la glace…)

– Ôtez-vous de là, Renaud ! Ce monsieur en habit noir, cette petite en pantalon, fi ! Ça fait Marcel Prévost dans ses chapitres de grand libertinage…

(La vérité, c'est que Renaud aime le bavardage des miroirs et leur lumière polissonne, tandis que je les fuis, dédaigneuse de leurs révélations, chercheuse d'obscurité, de silence et de vertige…)

– Renaud, mon beau ! nous parlions de votre jour…

– Zut pour mon jour ! J'aime mieux ta nuit !






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