I. Lisez le texte et répondez aux questions :
1. Qui est Victor Hugo?
2. Qui étaient ses parents et comment était son enfance ?
3. Quelles sont les dates les plus importantes de son activité littéraire ?
4. Quelles dates le caractérisent comme un homme politique français ?
5. Comment était sa vie privée ?
6. A quel courant littéraire appartient l’oeuvre de Victor Hugo ?
7. Quelle est l’attitude du peuple français envers Victor Hugo ?
Victor Hugo
Victor Hugo est un écrivain, romancier, poète, dramaturge et homme politique français.
Il nait le 26 février 1802 à Besançon dans un milieu bourgeois. Son père est le général d'Empire Joseph Léopold Sigisbert Hugo, sa mère est Sophie Trébuchet, une bourgeoise de la ville de Nantes.
Victor Hugo va passer la majeur partie de son enfance à Paris, bien que les obligations militaires de son papa le conduiront de temps à temps en Espagne ou en Italie (à Naples).
À 9 ans, Victor Hugo et son frère Eugène entrent au Collège des Nobles. À 11 ans, le futur écrivain retourne à Paris car sa mère a quitté son père pour un autre général d'Empire : Victor Fanneau de la Horie. Ce dernier deviendra le précepteur et le parrain de Victor.
En septembre 1815, à 13 ans, Victor Hugo entre au pensionnat Cordier où il commence à écrire ses premiers poèmes. Sa maman l'encourage dans sa démarche artistique. En juillet 1816, à 14 ans, Victor est déjà très ambitieux puisqu'il écrit dans un journal : "Je veux être Chateaubriand ou rien".
À 17 ans, Victor Hugo remporte le concours de l'Académie des jeux floraux grâce à ses poèmes "La statue de Henri IV" et "Les vierges de Verdun" , à 18 ans, Victor Hugo remporte à nouveau le concours de l'Académie des jeux floraux de Toulouse grâce à son poème "Moïse sur le Nil".
À seulement 19 ans, il publie "Odes", son 1er recueil de poèmes.
Le 27 juin 1821, Victor doit affronter la mort de sa maman.
À 20 ans, Victor Hugo épouse Adèle Foucher, 19 ans, son amie d'enfance avec qui il aura 5 enfants.
Il publie son 1er roman "Han d'Islande" à l'âge de 21 ans. Ce dernier n'aura peut-être pas le succès escompté mais il lui permettra de croiser le chemin du romancier et académicien Charles Nodier pour une critique constructive. Victor et Charles deviennent alors amis.
En 1827, il rencontre à nouveau le succès, mais cette fois-ci avec sa célèbre pièce de théâtre « Cromwell » dont la préface deviendra un texte fondateur du romantisme car il soutient le drame en tant que forme théâtrale.
À 25 ans, Victor revoie son père et se réconcilie avec lui. Cet événement conduira Victor Hugo à écrire "Odes à mon père" et "Après la bataille".
En 1829 Victor Hugo édite le recueil de 41 poèmes "Les Orientales" et le roman "Le Dernier Jour d’un condamné" qui est un réquisitoire contre la peine de mort.
Durant l'année 1830 qu'il créé la pièce de théâtre "Hernani" (ou "l’Honneur castillan") qui plaira énormément au poète, romancier et critique d'art Théophile Gautier.
L'année 1831 est marquée par la publication du roman "Notre-Dame de Paris".
En 1832 sort le drame romantique "Le roi s'amuse", pièce de théâtre en vers et 5 actes jouée pour la 1ère fois à la Comédie-Française.
Àgé de 31 ans, il fait la rencontre de Juliette Drouet, un actrice de 26 ans qui devient sa maîtresse et qui restera à ses côtés pendant 50 ans. Elle lui apportera de l'inspiration pour de nombreux poèmes et le sauvera même de l'emprisonnement pendant le coup d'État de Napoléon III.
1838. La pièce "Ruy Blas" en 5 actes de Victor Hugo est jouée au Théâtre de la Renaissance.
1840. A 38 ans, Victor Hugo publie le recueil de poèmes "Les Rayons et les Ombres" qu'il a en fait écrit entre 1830 et 1839.
1841, Victor Hugo entre à l'Académie Française à l'âge de 39 ans.
1843, le drame historique "Les Burgraves" est monté mais c'est un échec, le public n'étant pas spécialement réceptif au drame romantique. Cet échec met un terme à la carrière théâtrale de Victor Hugo.
1845, âgé de 43 ans, Victor Hugo devient pair de France.
Victor Hugo devient maire du 8ème arrondissement de Paris et député de la 2ème République. Cette année 1848 est le début de la 2ème révolution du 19ème siècle : la Révolution de 1848. Ironie du sort, Victor Hugo, en tant que maire, va alors dicter à des troupes armées d'agir face aux barricades qui sont mises en place dans son arrondissement. Il contribue ainsi au massacre de cette époque et fera savoir plus tard qu'il l'a amèrement regretté.
L'année 1851, Victor Hugo n'étant plus un allié de Louis-Napoléon Bonaparte, il va écrire le pamphlet « Histoire d'un crime ». Victor Hugo part en exil à l'âge de 49 ans. Il part d'abord en Belgique (à Bruxelles), puis sur l' île anglo-normande Jersey.
En 1852, étant radicalement contre le coup d’État orchestré par Louis-Napoléon Bonaparte, Victor Hugo va écrire un célèbre pamphlet intitulé « Napoléon le petit ».
1853, Victor Hugo écrit le recueil de poèmes satiriques « Les Châtiments » dans le but de condamner le régime illégitime de Napoléon III et le second Empire d'une manière générale.
1859, Victor Hugo publie la 1ère série du recueil de poèmes «La Légende des siècles», une œuvre colossale dont le but est de décrire l'histoire et l'évolution de l'Humanité.
1859, Napoléon III met en place une amnistie des prisonniers politiques que Victor Hugo refuse en déclarant : « Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ».
À 60 ans, Victor Hugo publie son célèbre roman « Les Misérables » qui deviendra une des plus emblématiques œuvre de la littérature française.
Le roman « Les Travailleurs de la mer » est publié en 1866.
Après un exil de 10 ans, Victor Hugo retourne enfin en France en septembre 1870, juste après la défaite de Napoléon III contre les forces Prussiennes le 1er septembre 1870 (défaite de l'armée française à Sédan). Quand Victor Hugo arrive à Paris, il est accueilli triomphalement par les Parisiens.
1872, Il retourne sur l'île de Guernesey où il écrira son dernier roman intitulé « Quatrevingt-treize » qui parle des plus terribles années de la Révolution française : la Terreur.
1872, Victor Hugo publie le recueil « L'Année terrible » achevé l'année précédente.
Victor Hugo est élu sénateur en 1876. Il défendra farouchement l’amnistie des communards.
1880, Victor Hugo publie à nouveau le long poème intitulé « L' ne » qu'il avait en fait écrit entre 1857 et 1858.
Victor Hugo meurt le 22 mai 1885 à Paris à l'âge de 83 ans.
Le 26 mai 1885, sa dépouille est transportée au Panthéon où plus de 2 000 000 de personnes se déplacent en quelques jours pour lui rendre un dernier hommage.
Ses 5 plus grands romans :
Ses 5 plus grands recueils de poèmes :
Les Châtiments
Les Contemplations
La Légende des siècles
L’art d’être grand-père
Odes et Ballades
Ses 3 plus grandes pièces de théâtre :
Cromwell
Hernani
Ruy Blas
II. Complétez le texte : États-Unis d'Europe
Victor Hugo a fréquemment 1______________ l'idée de la création des États-Unis d'Europe. Ainsi, dès 1849, au congrès de la paix, il 2_____________ :
« Un jour 3_________________ où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, 4_________perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse 5____________, vous vous fondrez étroitement dans une 6_____________ supérieure, et vous constituerez la 7______________ européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont 8____________ dans la France. Un jour viendra où il n'y 9__________ plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au 10__________________ et les esprits s'ouvrant aux idées.- Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les 11_________, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand 12____________souverain qui sera à l'Europe ce que le parlement est à l'Angleterre, ce que la diète est à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France! »
Victor Hugo conçoit une Europe axée sur le Rhin, lieu d'13___________ culturels et commerciaux entre la France et Allemagne qui serait le noyau central de ces États-Unis d'Europe. Il présente une Europe des 14____________ par opposition à l'Europe des rois, sous forme d'une confédération d'États avec des peuples unis par le 15____________ universel et l'abolition de la peine de mort.
L'idée n'est pas 16_________, elle fut défendue avant lui par Saint-Simon, Guizot et Auguste Comte, mais Victor Hugo en fut un de ses plus 17_________________défenseurs à une époque où l'histoire s'y prête peu. Considéré comme visionnaire ou fou, Victor Hugo reconnaît les 18___________qui entravent cette grande 19___________et précise même qu'il faudra peut-être une 20____________ ou une révolution pour y accéder.
votes | viendra | fondues | ardents |
lance | aura | échanges | fraternité |
sénat | unité | défendu | idée |
sans | individualité | peuples | neuve |
obstacles | suffrage | guerre | commerce |
III. Lisez le texte et répondez aux questions :
1. Quel est le but du roman Les Мisérables ?
2. Comment peut-on caractériser ce roman ?
3. Quelle couche sociale et de quelle période historique est décrite dans le roman ?
4. Pourquoi dérermine-t-on ce roman comme épique ?
5. Pourquoi est-il un hymne à l'amour ?
6. En quoi consiste « le crime de la loi » ?
7. Quels noms des personnages du roman sont cités ?
8. Résumez le contenu du tome 1 « Fantine ».
Les Мisérables
Les Misérables est paru en 1862. Dans ce roman, un des plus emblématiques de la littérature française, Victor Hugo décrit la vie de misérables dans Paris et la France provinciale du xixe siècle et s'attache plus particulièrement aux pas du bagnard Jean Valjean. C'est un roman historique, social et philosophique dans lequel on retrouve les idéaux du romantisme et ceux de Victor Hugo concernant la nature humaine. Il a donné lieu à de nombreuses adaptations au cinéma.
Les Misérables est un roman d'inspiration réaliste, épique et romantique, un hymne à l'amour et un roman politique et social.
Les Misérables décrit tout un univers de gens humbles. C'est une peinture très précise de la vie dans la France et le Paris pauvre au début du xixe siècle. Son succès populaire tient au trait parfois chargé avec lequel sont peints les personnages du roman.
Roman épique, Les Misérables dépeint au moins trois grandes fresques : la bataille de Waterloo (qui représente pour l'auteur, la fin de l'épopée Napoléonienne, et le début de l'ère bourgeoise ; il s'aperçoit alors qu'il est républicain), l'émeute de Paris en juin 1832, la traversée des égouts de Paris par Jean Valjean. Mais le roman est aussi épique par la description des combats de l'âme : les combats de Jean Valjean entre le bien et le mal, son rachat jusqu'à son abnégation, le combat de Javert entre respect de la loi sociale et respect de la loi morale.
Les Misérables est aussi un hymne à l'amour : amour chrétien, amours déçues de Fantine et Éponine ; amour paternel de Jean Valjean pour Cosette ; amour partagé de Marius et Cosette. Mais c'est aussi une page de la littérature française dédiée à la patrie. Au moment où il écrit ce livre, Victor Hugo est en exil.
Un des thèmes du roman est « le crime de la loi ». Si l'œuvre montre comment les coercitions sociales et morales peuvent entraîner les hommes à leur déchéance si aucune solution de réédification n'est trouvée, c'est surtout un immense espoir en la générosité humaine dont Jean Valjean est l'archétype. Presque tous les autres personnages incarnent l'exploitation de l'homme par l'homme. L'exergue de Hugo est un appel à l'humanité pour qu'elle ne cesse d'œuvrer à des temps meilleurs.
Résumé
L'action se déroule en France au cours de la première moitié du xixe siècle, encadrée par les deux grands combats que sont la bataille de Waterloo (1815) et les émeutes de juin 1832. On y suit, pendant cinq tomes, la vie de Jean Valjean, de sa sortie du bagne jusqu'à sa mort. Autour de lui gravitent les personnages dont certains vont donner leur nom aux différents tomes du roman, témoins de la misère de ce siècle, misérables eux-mêmes ou proches de la misère : Fantine, Cosette,Marius, mais aussi les Thénardier (dont Éponine, Azelma et Gavroche) ainsi que le représentant de la loi, Javert.
Tome I : Fantine
Dans ce tome s'entremêlent les deux destinées de Fantine et de Jean Valjean.
Le livre s'ouvre sur le portrait long et détaillé de Mgr Myriel, évêque du diocèse de Digne, dont le destin croise celui du personnage central de l'œuvre : Jean Valjean.
L'action débute en 1815 par la libération de Jean Valjean, personnage principal de l'œuvre, après une peine de dix-neuf ans de bagne : victime d'un destin tragique, initialement condamné à cinq ans de bagne pour avoir volé un pain afin de nourrir sa famille, il voit sa peine prolongée à la suite de plusieurs tentatives d'évasion. En liberté, seul Mgr Myriel l'accueille pour le gîte et le couvert. A cause du vol d’ une pièce de 40 sous, sans en avoir l'intention, Valjean est désormais récidiviste et doit donc cacher son identité. Ce sera sa dernière faiblesse, car il passe définitivement du côté du bien.
Jean Valjean reparaît à l'autre bout de la France, sous le nom de M. Madeleine et opère sa complète rédemption : enrichi honnêtement, il devient le bienfaiteur de la ville de Montreuil-sur-Mer, dont il sera nommé maire.
En regard de l'ascension de Jean Valjean, on assiste à la chute de Fantine, fille-mère qui, pour nourrir sa fille unique Cosette, ira de déchéance en déchéance, jusqu'à la prostitution et la mort.
Ce tome est l'occasion de présenter les personnages qui vont suivre Jean Valjean du début à la fin de ses aventures.
Les Thénardier, qui plongeront de la malhonnêteté et la méchanceté ordinaire au banditisme, à la fois dénoncés comme criminels et plaints comme victimes de la société. Ils sont cependant aussi les parents de Gavroche, dont l'héroïsme s'illustrera plus tard.
Javert, qui incarne la justice implacable et rigide, a mis toute son énergie au service de la loi, sa religion.
Peut-on croire Valjean-Madeleine sauvé, réintégré dans la société ? Victor Hugo ne le veut pas. Pour lui, l'honnêteté ne peut souffrir la compromission. Aux termes d'une longue nuit d'hésitation, M. Madeleine ira se dénoncer pour éviter à un pauvre diable, un peu simple d'esprit, Champmathieu, reconnu à tort comme étant Jean Valjean, d'être condamné à sa place. Tous les bienfaits qu'aurait pu apporter M. Madeleine ne pourraient compenser, selon Victor Hugo, la seule injustice faite à Champmathieu. Jean Valjean échappe cependant à la justice, retourne dans la clandestinité pour respecter une dernière promesse faite à Fantine qu'il a assistée à l'heure de sa mort : sauver Cosette actuellement pensionnaire asservie et malheureuse des Thénardier.
IV. Lisez le texte et répondez aux questions :
1. Où se déroule l’action du fragment ?
2. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?
3. Qui sont les personnages du fragment ?
4. Comment sont toutes les deux mères ?
5. Comment sont les fillettes ?
6. Comment est M.Thénardier?
7. En quoi consiste le marché ?
8. Pourquoi les Thénardiers commencent ce marché ?
UNE MÈRE QUI EN RENCONTRE UNE AUTRE
...
Vers le milieu du jour, après avoir, pour se reposer, cheminé de temps en temps, moyennant trois ou quatre sous par lieue, dans ce qu’on appelait alors les Petites Voitures des Environs de Paris, Fantine se trouvait à Montfermeil, dans la ruelle du Boulanger.
Comme elle passait devant l’auberge Thénardier, les deux petites filles, enchantées sur leur escarpolette monstre, avaient été pour elle une sorte d’éblouissement, et elle s’était arrêtée devant cette vision de joie.
Il y a des charmes. Ces deux petites filles en furent un pour cette mère.
Elle les considérait, toute émue. La présence des anges est une annonce de paradis. Elle crut voir au dessus de cette auberge le mystérieux ICI de la providence. Ces deux petites étaient si évidemment heureuses ! Elle les regardait, elle les admirait, tellement attendrie qu’au moment où la mère reprenait haleine entre deux vers de sa chanson, elle ne put s’empêcher de lui dire ce mot qu’on vient de lire :
— Vous avez là deux jolis enfants, madame.
Les créatures les plus féroces sont désarmées par la caresse à leurs petits. La mère leva la tête et remercia, et fit asseoir la passante sur le banc de la porte, elle-même étant sur le seuil. Les deux femmes causèrent.
— Je m’appelle madame Thénardier, dit la mère des deux petites. Nous tenons cette auberge.
Puis, toujours à sa romance, elle reprit entre ses dents :
Il le faut, je suis chevalier
Et je pars pour la Palestine.
Cette madame Thénardier était une femme rousse, charnue, anguleuse ; le type femme-à-soldat dans toute sa disgrâce. Et, chose bizarre, avec un air penché qu’elle devait à des lectures romanesques. C’était une minaudière hommasse. De vieux romans qui se sont éraillés sur des imaginations de gargotières, ont de ces effets-là. Elle était jeune encore ; elle avait à peine trente ans. Si cette femme, qui était accroupie, se fût tenue droite, peut-être sa haute taille et sa carrure de colosse ambulant propre aux foires, eussent-elles dès l’abord effarouché la voyageuse, troublé sa confiance, et fait évanouir ce que nous avons à raconter. Une personne qui est assise au lieu d’être debout, les destinées tiennent à cela.
La voyageuse raconta son histoire, un peu modifiée.
Qu’elle était ouvrière ; que son mari était mort ; que le travail lui manquait à Paris, et qu’elle allait en chercher ailleurs ; dans son pays ; qu’elle avait quitté Paris, le matin même, à pied ; que, comme elle portait son enfant, se sentant fatiguée, et ayant rencontré la voiture de Villemonble, elle y était montée ; que de Villemonble elle était venue à Montfermeil à pied ; que la petite avait un peu marché, mais pas beaucoup, c’est si jeune, et qu’il avait fallu la prendre, et que le bijou s’était endormi.
Et sur ce mot elle donna à sa fille un baiser passionné qui la réveilla. L’enfant ouvrit les yeux, de grands yeux bleus comme ceux de sa mère, et regarda, quoi ? rien, tout, avec cet air sérieux et quelquefois sévère des petits enfants, qui est un mystère de leur lumineuse innocence devant nos crépuscules de vertus. On dirait qu’ils se sentent anges et qu’ils nous savent hommes. Puis l’enfant se mit à rire, et, quoique la mère la retînt, glissa à terre avec l’indomptable énergie d’un petit être qui veut courir. Tout à coup elle aperçut les deux autres sur leur balançoire, s’arrêta court, et tira la langue, signe d’admiration.
La mère Thénardier détacha ses filles, les fit descendre de l’escarpolette, et dit :
— Amusez-vous toutes les trois.
Ces âges-là s’apprivoisent vite, et au bout d’une minute les petites Thénardier jouaient avec la nouvelle venue à faire des trous dans la terre, plaisir immense.
Cette nouvelle venue était très gaie ; la bonté de la mère est écrite dans la gaîté du marmot ; elle avait pris un brin de bois qui lui servait de pelle, et elle creusait énergiquement une fosse bonne pour une mouche. Ce que fait le fossoyeur devient riant, fait par l’enfant.
Les deux femmes continuaient à causer.
— Comment s’appelle votre mioche ?
— Cosette.
Cosette, lisez Euphrasie. La petite se nommait Euphrasie. Mais d’Euphrasie la mère avait fait Cosette, par ce doux et gracieux instinct des mères et du peuple qui change Josefa en Pepita et Françoise en Sillette. C’est là un genre de dérivés qui dérange et déconcerte toute la science des étymologistes. Nous avons connu une grand’mère qui avait réussi à faire de Théodore, Gnon.
— Quel âge a-t-elle ?
— Elle va sur trois ans.
— C’est comme mon aînée.
Cependant les trois petites filles étaient groupées dans une posture d’anxiété profonde et de béatitude ; un événement avait lieu ; un gros ver venait de sortir de terre ; et elles avaient peur, et elles étaient en extase.
Leurs fronts radieux se touchaient ; on eût dit trois têtes dans une auréole.
— Les enfants, s’écria la mère Thénardier, comme ça se connaît tout de suite ! les voilà qu’on jurerait trois sœurs !
Ce mot fut l’étincelle qu’attendait probablement l’autre mère. Elle saisit la main de la Thénardier, la regarda fixement, et lui dit :
— Voulez-vous me garder mon enfant ?
La Thénardier eut un de ces mouvements qui ne sont ni le consentement ni le refus.
La mère de Cosette poursuivit :
— Voyez-vous, je ne peux pas emmener ma fille au pays. L’ouvrage ne le permet pas. Avec un enfant, on ne trouve pas à se placer. Ils sont si ridicules dans ce pays-là. C’est le bon Dieu qui m’a fait passer devant votre auberge. Quand j’ai vu vos petites si jolies et si propres et si contentes, cela m’a bouleversée. J’ai dit : voilà une bonne mère. C’est ça ; ça fera trois sœurs. Et puis, je ne serai pas longtemps à revenir. Voulez-vous me garder mon enfant ?
— Il faudrait voir, dit la Thénardier.
— Je donnerais six francs par mois.
Ici une voix d’homme cria du fond de la gargote :
— Pas à moins de sept francs. Et six mois payés d’avance.
— Six fois sept quarante-deux, dit la Thénardier.
— Je les donnerai, dit la mère.
— Et quinze francs en dehors pour les premiers frais, ajouta la voix d’homme.
— Total cinquante-sept francs, dit madame Thénardier. Et à travers ces chiffres, elle chantonnait vaguement :
Il le faut, disait un guerrier.
— Je les donnerai, dit la mère, j’ai quatre-vingts francs. Il me restera de quoi aller au pays. En allant à pied. Je gagnerai de l’argent là-bas, et dès que j’en aurai un peu, je reviendrai chercher l’amour.
La voix d’homme reprit :
— La petite a un trousseau ?
— C’est mon mari, dit la Thénardier.
— Sans doute elle a un trousseau, le pauvre trésor. J’ai bien vu que c’était votre mari. Et un beau trousseau encore ! un trousseau insensé. Tout par douzaines ; et des robes de soie comme une dame. Il est là dans mon sac de nuit.
— Il faudra le donner, repartit la voix d’homme.
— Je crois bien que je le donnerai ! dit la mère. Ce serait cela qui serait drôle si je laissais ma fille toute nue !
La face du maître apparut.
— C’est bon, dit-il.
Le marché fut conclu. La mère passa la nuit à l’auberge, donna son argent et laissa son enfant, renoua son sac de nuit dégonflé du trousseau et léger désormais, et partit le lendemain matin, comptant revenir bientôt. On arrange tranquillement ces départs-là, mais ce sont des désespoirs.
Une voisine des Thénardier rencontra cette mère comme elle s’en allait, et s’en revint en disant :
— Je viens de voir une femme qui pleure dans la rue, que c’est un déchirement.
Quand la mère de Cosette fut partie, l’homme dit à la femme :
— Cela va me payer mon effet de cent dix francs qui échoit demain. Il me manquait cinquante francs. Sais-tu que j’aurais eu l’huissier et un protêt ? Tu as fait là une bonne souricière avec tes petites.
— Sans m’en douter, dit la femme.