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Mme de Staёl. Corinne ou l'Italie

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Разработка посвящена творчеству удивительной Мадам де Сталь. Содержит отрывок и резюме романа " Корин или Италия", а также учебные материалы 

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«Mme de Staёl. Corinne ou l'Italie»

I. Lisez le texte et répondez aux questions :



1. Qui est Mme de Staël ?

2. Pourquoi compare-t-on sa vie et ses romans ?

3. A quoi était-elle attachée ? Comment ?

4. Comment devient sa situation à Paris ?

5. Où trouve-t-elle la consolation ?

6. Qui étaient ses sympathies nouvelles ?

7. Quelle était la période cruelle dans la vie de Mme de Staël et même dans la vie de ses amis ?

8. Quelle issue a-t-elle trouvée ?

9. Est-ce que la Restauration lui apporte-t-elle le contentement ?

1O. Quels ouvrages sont les plus importants dans l’oeuvre de Mme de Staël ?

Mme de Staël

Écrivain français, Anne-Louise Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein, est née à Paris le 22 avril 1766.

Fille du banquier Necker, ministre de Louis XVI, elle passe son enfance dans un milieu intelligent, modéré, grave par le fond mais singulièrement mondain et ambitieux. Elle brille dans le salon de sa mère où fréquentent Buffon, Marmontel, Grimm, Gibbon.

Elle écrit des nouvelles et un drame, Sophie ou les Sentiments secrets (1786), dont la vive imagination compense les maladresses. À vingt ans, elle épouse l'ambassadeur de Suède à la cour de France, le baron de Staël-Holstein, de dix-sept ans son aîné.

On a dit de la vie de Mme de Staël qu'elle constituait le meilleur de ses romans. De fait le rôle qu'elle joue, toute jeune mariée, dans son salon de la rue du Bac, le rayonnement qu'elle exerce à Coppet, l'exil auquel elle est contrainte, ses voyages en Allemagne, en Italie et en Russie, sa liaison mouvementée avec Benjamin Constant, sa fréquentation des plus beaux esprits de l'époque, lui donnent un prestige qui dépasse de beaucoup son oeuvre même.

Elle est attachée aux préoccupations politiques de son temps. Jean-Jacques Rousseau a été son maître; il reste son inspirateur et elle lui consacre son premier ouvrage important. Aussi accueille-t-elle avec joie la Révolution. Espère-t-elle y jouer un rôle ? C'est vraisemblable, puisqu'elle proposera à Montmorin un plan d'évasion du roi et qu'elle aura suffisamment d'influence pour faire donner le portefeuille des Relations extérieurs à Talleyrand. Il le paya d'ailleurs de la plus totale ingratitude, et elle se vengea plaisamment en le peignant sous les traits d'une vieille dame sèche, coquette et égoïste dans Delphine (1802).

Pourtant, la situation de Mme de Staël à Paris devient intenable: repoussée par les républicains, elle se pose en égérie de la monarchie constitutionnelle et s'attire les sarcasmes de la noblesse; effrayée par les massacres de septembre 1792, elle fuit, avec son mari, Paris pour la Suède, puis rejoint son père à Coppet. Le gouvernement modéré de 1794 la rassure; elle revient à Paris et un grand changement s'opère en elle: sa générosité, son sens élevé de la justice et sa commisération profonde s'épanouissent. Son mariage n'a pas été heureux mais, considérant la réalité qui l'entoure, elle dépasse son propre personnage. Du reste, elle vise à la gloire; elle ne s'en cache pas et, usant de toute son influence, elle exalte de plus en plus le libéralisme, au moment où le 18 Brumaire (novembre 1799) va mettre fin à son crédit: la nouvelle scène politique ne réserve pas de place aux femmes.

Son salon devient le rendez-vous des mécontents; le pouvoir s'inquiète; Bonaparte se méfie; Fouché prévient Mme de Staël qui n'en tient aucun compte; elle est préoccupée par son livre: De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800), qui est unanimement critiqué. Seul Chateaubriand prend sa défense. De là date leur amitié. Opposés par le talent, les deux écrivains se retrouvent sur tous les autres plans.

1802 est une date importante pour Mme de Staël. C'est l'année où meurt son mari et celle où paraît Delphine. Le libéralisme foncier et tenace du livre augmente l'inquiétude du pouvoir. L'ouvrage de Necker: Dernières vues de politique et de finance, auquel on présumait qu'elle avait collaboré, est une occasion pour le gouvernement d'imposer à Mme de Staël, en 1803, une résidence à quarante lieues de Paris. C'est ainsi qu'elle devient grande voyageuse.

L'hostilité de Napoléon lui vaut une notoriété certaine et lui attire des sympathies nouvelles. Benjamin Constant l'accompagnera en Allemagne et en Italie. Elle s'enthousiasme pour Goethe et pour Schiller, séduits eux-mêmes par cet esprit avide de tout comprendre. Après avoir reçu un accueil empressé à la cour de Prusse en 1804, elle est rappelée en Suisse par la mort de son père. Dès lors, elle y tient une espèce de cour qui a une grande célébrité sous l'Empire. Les habitués y sont Benjamin Constant, August Wilhelm von Schlegel, Sabran, Sismondi, Bonstetten, les barons de Voigt, de Balk, etc. Chaque année y reviennent Mathieu de Montmorency, Prosper de Barante, le prince Auguste de Prusse, Mme Récamier, une foule de gens du monde, de connaissances d'Allemagne et de Genève. On imagine l'ombrage que Napoléon pouvait prendre de ce succès et qu'il ait composé ou, plus vraisemblablement, fait composer une critique sévère de Corinne ou l'Italie (1807), qui devint le livre par excellence de l'idéal et de l'amour pour toute une génération romantique.

Ne se sentant plus en sécurité à Coppet, Mme de Staël retourne en Allemagne en 1808. De Vienne, elle demande à Talleyrand d'intervenir pour que lui soient remboursés deux millions prêtés par Necker à Louis XVI. Napoléon fait la sourde oreille.

La première partie du traité De l'Allemagne étant achevée, Mme de Staël vient incognito à Paris pour la publication. Fouché a vent de l'affaire, fait saisir l'édition entière et détruire les deux mille exemplaires prêts à figurer dans le commerce. L'oeuvre la plus célèbre de Mme de Staël paraîtra à Londres trois ans plus tard (1813). En attendant, on assigne à l'auteur la résidence forcée de Coppet avec interdiction de s'en écarter de plus de deux lieues et, preuve du sérieux de cette mesure coercitive, on écrit à Schlegel en lui interdisant de revoir Mme de Staël; on exile Mme Récamier et Mathieu de Montmorency pour avoir été ses hôtes.

Mme de Staël traverse alors une période cruelle. Affectée des mesures prises par Fouché, l'âge l'assombrit. Elle a horreur de vieillir et tout lui devient âpre. Pourtant, en 1811, elle épouse un jeune officier suisse, M. de Rocca. L'année suivante, elle réussit à s'enfuir à Saint-Pétersbourg, puis en Suède et en Angleterre. Partout, elle tente de stimuler l'ardeur des ennemis de Napoléon. À Londres, elle rencontre le futur Louis XVIII, en qui elle veut voir l'homme capable de réaliser la monarchie constitutionnelle dont elle rêve. Mais elle pressent la désastreuse influence que vont avoir sur le roi les émigrés arrogants et butés: "Ils perdront les Bourbon", dit-elle.

À la Restauration, elle se fixe définitivement en France. Devant les exigences contradictoires des partis, elle prône les ménagements et la prudence. Les divergences d'opinion se déclarent dans son entourage; les amitiés se relâchent autour d'elle et elle éprouve un profond découragement. Elle court à Pise en 1816 soigner M. de Rocca malade, mais, atteinte elle-même d'un "mal incurable", elle regagne Paris et y meurt le 13 juillet 1817. Son corps est enterré à Coppet.

II. Après la lecture du texte suivant, répondez aux questions :



1. Où se déroule l’action de la nouvelle ?

2. Quels sont les problèmes essentiels qui y sont soulevés ?

3. Qui sont les personnages de la nouvelle ?

4. Quelle est la philosophie de la nouvelle ?



Corinne ou l'Italie est un roman de Madame de Staël (1766 - 1817) publié en 1807 qui a contribué à importer et populariser le romantisme en France. Cette oeuvre à la fois intelligente et divertissante, regorge d'éléments historiques et artistiques qui attestent du long travail minutieux de recherche effectué par Madame de Staël. Il y a des secrets, des révélations, des péripéties et de l'intensité.

 

Corinne ou l'Italie, c'est l'histoire de la déchéance d'une icône. Corinne est une jeune poétesse de 26 ans qui est une artiste admirée et adulée en Italie. Elle est une personnalité considérée telle une sorte de divinité que tous les hommes et toutes les femmes vénèrent. Tout le monde veut assister à ses représentations théâtrales ou à ses improvisions chantées, car Corinne est une ambassadrice puissante qui protège et participe à promouvoir les arts, même si cette dernière cache aussi de grands secrets.

 

Justement, sa vie et ses secrets vont être bouleversés par sa rencontre avec le jeune Anglais Lord Oswald Nelvil qui a dû quitter son pays pour l'Italie dans le but de soigner ses maux.

 

Cette oeuvre cosmopolite qui célébre la culture italienne traverse et décrit l'Italie mais aussi l'Angleterre sans oublier la France. En effet, Madame de Staël y exprime plusieurs idées sur la diversité des cultures en Europe.

 

Corinne aime l'Italie mais rejette l'Angleterre. Ce rejet, lié à son passé, nous apprend pourquoi Corinne estime qu'il faut fuir l'Angleterre. Elle considère (entre autres) que la femme anglaise ne peut pas s'épanouir dans ce pays où elle est prisonnière.

 

L'Anglaise doit rester en retrait et n'a ainsi aucune liberté de parole, d'où le rejet de Corinne qui n'accepte l'idée selon laquelle les femmes devraient être confinées au service des hommes tout en n'ayant le devoir de ne pas participer aux conversations.

 

En Angleterre, la femme attend. Elle n'a même aucune conversation avec les autres femmes anglaises car, de toute façon, elle est programmée par son éducation pour ne pas le faire.


Plusieurs autres personnages interviennent et multiplient les rebondissements : de Lady Edgermond ou de sa fille, au comte d'Erfeuil, qui permet à Madame de Staël de se livrer à une critique de la société française symbolisée par la crainte du ridicule et le goût du bon mot, car le Comte d'Erfeuil ne pense qu'à critiquer et à se préocupper de son apparence et de ses relations.



III. Lisez le fragment de Corinne ou l'Italie et répondez aux questions :


1. Où et quand se déroule l’action de ces trois chapitres ?

2. Quels sont les problèmes qui y sont soulevés ?

3. Par quoi était altérée la santé d’ Oswald lord Nelvil ?

4. Par quoi peut-on expliquer son abnégation absolue ?

5. Où espérait-il trouver une garantie contre les peines qui déchiraient son âme?

6. Quels souvenirs lui causaient une douleur insupportable ?

7. Quels sentiments étaient provoqués auparavant par le seul spectacle de la mer ?

8. Comment se traîtait-il quand la mer menaçait d'être orageuse ?

9. Comment était la réaction de l'équipage quand il fallait se séparer ?

10. Pour quel but voulait-il vivre encore ?

11. Quelles étaient ses pensées à l’égard de la patrie ?

12. Quel était le seul plaisir de lord Nelvil ?

13. Quelle histoire a-t-il entendue avant d’entrer en Italie ?

14. Comment lord Nelvil a-t-il fait connaissance avec le comte d'Erfeuil ?

15. Quelle était la philosophie du comte et comment voyait-il sa présence en Italie ?

16. Quels étaient les refléchissements d’Oswald à propos du caractère du comte d'Erfeuil, de son mépris du malheur ?

17. Comment le comte d'Erfeuil trouve-t-il les maladies et les chagrins du coeur d’Oswald ?

18. Donnez les caractéristiques physiques et psycologiques des personnages de ces chapitres.

19. Quels détails ou faits ont une grande valeur dans la narration ?



Madame de Staël

Corinne ou l'Italie

CHAPITRE PREMIER

Oswald lord Nelvil, pair d'Ecosse, partit d'Edimbourg pour se rendre en Italie pendant l'hiver de 1794 à 1795. Il avait une figure noble et belle, beaucoup d'esprit, un grand nom, une fortune indépendante ; mais sa santé était altérée par un profond sentiment de peine, et les médecins, craignant que sa poitrine ne fût attaquée, lui avaient ordonné l'air du midi. Il suivit leurs conseils, bien qu'il mît peu d'intérêt à la conservation de ses jours. Il espérait du moins trouver quelque distraction dans la diversité des objets qu'il allait voir. La plus intime de toutes les douleurs, la perte d'un père, était la cause de sa maladie ; des circonstances cruelles, des remords inspirés par des scrupules délicats, aigrissaient encore ses regrets, et l'imagination y mêlait ses fantômes. Quand on souffre, on se persuade aisément que l'on est coupable, et les violents chagrins portent le trouble jusque dans la conscience.
A vingt-cinq ans il était découragé de la vie, son esprit jugeait tout d'avance, et sa sensibilité blessée ne goûtait plus les illusions du coeur. Personne ne se montrait plus que lui complaisant et dévoué pour ses amis quand il pouvait leur rendre service ; mais rien ne lui causait un sentiment de plaisir, pas même le bien qu'il faisait ; il sacrifiait sans cesse et facilement ses goûts à ceux d'autrui ; mais on ne pouvait expliquer par la générosité seule cette abnégation absolue de tout égoïsme ; et l'on devait souvent l'attribuer au genre de tristesse qui ne lui permettait plus de s'intéresser à son propre sort.

Les indifférents jouissaient de ce caractère, et le trouvaient plein de grâce et de charmes ; mais quand on l'aimait, on sentait qu'il s'occupait du bonheur des autres comme un homme qui n'en espérait pas pour lui-même ; et l'on était presque affligé de ce bonheur qu'il donnait sans qu'on pût le lui rendre.

Il avait cependant un caractère mobile, sensible et passionné ; il réunissait tout ce qui peut entraîner les autres et soi-même ; mais le malheur et le repentir l'avaient rendu timide envers la destinée : il croyait la désarmer en n'exigeant rien d'elle. Il espérait trouver dans le strict attachement à tous ses devoirs, et dans le renoncement aux jouissances vives, une garantie contre les peines qui déchirent l'âme ; ce qu'il avait éprouvé lui faisait peur, et rien ne lui paraissait valoir dans ce monde la chance de ces peines : mais quand on est capable de les ressentir, quel est le genre de vie qui peut en mettre à l'abri ?

Lord Nelvil se flattait de quitter l'Ecosse sans regret, puisqu'il y restait sans plaisir ; mais ce n'est pas ainsi qu'est faite la funeste imagination des âmes sensibles :

il ne se doutait pas des liens qui l'attachaient aux lieux qui lui faisaient le plus de mal, à l'habitation de son père. Il y avait dans cette habitation des chambres, des places dont il ne pouvait approcher sans frémir ; et cependant, quand il se résolut à s'en éloigner, il se sentit plus seul encore.

Quelque chose d'aride s'empara de son coeur ; il n'était plus le maître de verser des larmes quand il souffrait ; il ne pouvait plus faire renaître ces petites circonstances locales qui l'attendrissaient profondément ; ses souvenirs n'avaient plus rien de vivant, ils n'étaient plus en relation avec les objets qui l'environnaient ; il ne pensait pas moins à celui qu'il regrettait ; mais il parvenait plus difficilement à se retracer sa présence.
Quelquefois aussi il se reprochait d'abandonner des lieux où son père avait vécu. - Qui sait, se disait-il, si les ombres des morts peuvent suivre partout les objets de leur affection ? Peut-être ne leur est-il permis d'errer qu'autour des lieux où leurs cendres reposent ! Peut-être que dans ce moment mon père aussi me regrette ; mais la force lui manque pour me rappeler de si loin !

Hélas ! quand il vivait, un concours d'évènements inouïs n'a-t-il pas dû lui persuader que j'avais trahi sa tendresse, que j'étais rebelle à ma patrie, à la volonté paternelle, à tout ce qu'il y a de sacré sur la terre. Ces souvenirs causaient à lord Nelvil une douleur si insupportable, que non seulement il n'aurait pu les confier à personne, mais il craignait lui-même de les approfondir. Il est si facile de se faire avec ses propres réflexions un mal irréparable !

Il en coûte davantage pour quitter sa patrie quand il faut traverser la mer pour s'en éloigner ; tout est solennel dans un voyage dont l'Océan marque les premiers pas : il semble qu'un abîme s'entr'ouvre derrière vous, et que le retour pourrait devenir à jamais impossible.

D'ailleurs le spectacle de la mer fait toujours une impression profonde ; elle est l'image de cet infini qui attire sans cesse la pensée, et dans lequel sans cesse elle va se perdre. Oswald, appuyé sur le gouvernail, et les regards fixés sur les vagues, était calme en apparence, car sa fierté et sa timidité réunies ne lui permettaient presque jamais de montrer, même à ses amis, ce qu'il éprouvait ; mais des sentiments pénibles l'agitaient intérieurement. Il se rappelait le temps où le spectacle de la mer animait sa jeunesse par le désir de fendre les flots à la nage, de mesurer sa force contre elle. - Pourquoi, se disait-il avec un regret amer, pourquoi me livrer sans relâche à la réflexion ? Il y a tant de plaisir dans la vie active, dans ces exercices violents qui nous font sentir l'énergie de l'existence !
La mort elle-même alors ne semble qu'un événement peut-être glorieux, subit au moins, et que le déclin n'a point précédé. Mais cette mort qui vient sans que le courage l'ait cherchée, cette mort des ténèbres qui vous enlève dans la nuit ce que vous avez de plus cher, qui méprise vos regrets, repousse votre bras, et vous oppose sans pitié les éternelles lois du temps et de la nature ; cette mort inspire une sorte de mépris pour la destinée humaine, pour l'impuissance de la douleur, pour tous les vains efforts qui vont se briser contre la nécessité. Tels étaient les sentiments qui tourmentaient Oswald ; et ce qui caractérisait le malheur de sa situation, c'était la vivacité de la jeunesse unie aux pensées d'un autre âge.

Il s'identifiait avec les idées qui avaient dû occuper son père dans les derniers temps de sa vie, et il portait l'ardeur de vingt-cinq ans dans les réflexions mélancoliques de la vieillesse. Il était lassé de tout, et regrettait cependant le bonheur, comme si les illusions lui étaient restées. Ce contraste, entièrement opposé aux volontés de la nature, qui met de l'ensemble et de la gradation dans le cours naturel des choses, jetait du désordre au fond de l'âme d'oswald ; mais ses manières extérieures avaient toujours beaucoup de douceur et d'harmonie, et sa tristesse, loin de lui donner de l'humeur, lui inspirait encore plus de condescendance et de bonté pour les autres.
Deux ou trois fois, dans le passage de Harwich à Embden, la mer menaça d'être orageuse ; lord Nelvil conseillait les matelots, rassurait les passagers, et quand il servait lui-même à la manoeuvre, quand il prenait pour un moment la place du pilote, il y avait dans tout ce qu'il faisait une adresse et une force qui ne devaient pas être considérées comme le simple effet de la souplesse et de l'agilité du corps, car l'âme se mêle à tout.
Quand il fallut se séparer, tout l'équipage se pressait autour d'oswald pour prendre congé de lui ; ils le remerciaient tous de mille petits services qu'il leur avait rendus dans la traversée, et dont il ne se souvenait plus. Une fois c'était un enfant dont il s'était occupé longtemps ; plus souvent un vieillard dont il avait soutenu les pas, quand le vent agitait le vaisseau.

Une telle absence de personnalité ne s'était peut-être jamais rencontrée ; sa journée se passait sans qu'il en prit aucun moment pour lui-même ; il l'abandonnait aux autres par mélancolie et par bienveillance. En le quittant, les matelots lui dirent tous presque en même temps : Mon cher seigneur, puissiez-vous être plus heureux !
Oswald n'avait pas exprimé cependant une seule fois sa peine, et les hommes d'une autre classe qui avaient fait le trajet avec lui ne lui en avaient pas dit un mot.

Mais les gens du peuple, à qui leurs supérieurs se confient rarement, s'habituent à découvrir les sentiments autrement que par la parole ; ils vous plaignent quand vous souffrez, quoiqu'ils ignorent la cause de vos chagrins, et leur pitié spontanée est sans mélange de blâme ou de conseil.

CHAPITRE II

Voyager est, quoi qu'on en puisse dire, un des plus tristes plaisirs de la vie. Lorsque vous vous trouvez bien dans quelque ville étrangère, c'est que vous commencez à vous y faire une patrie ; mais traverser des pays inconnus, entendre parler un langage que vous comprenez à peine, voir des visages humains sans relation avec votre passé ni avec votre avenir, c'est de la solitude et de l'isolement sans repos et sans dignité ; car cet empressement, cette hâte pour arriver là où personne ne vous attend, cette agitation dont la curiosité est la seule cause, vous inspire peu d'estime pour vous-même, jusqu'au moment où les objets nouveaux deviennent un peu anciens, et créent autour de vous quelques doux liens de sentiment et d'habitude.

Oswald éprouva donc un redoublement de tristesse en traversant l'Allemagne pour se rendre en Italie. Il fallait alors, à cause de la guerre, éviter la France et les environs de la France ; il fallait aussi s'éloigner des armées qui rendaient les routes impraticables. Cette nécessité de s'occuper des détails matériels du voyage, de prendre chaque jour et presque à chaque instant une résolution nouvelle, était tout-à-fait insupportable à lord Nelvil. Sa santé, loin de s'améliorer, l'obligeait souvent à s'arrêter, lorsqu'il eût voulu se hâter d'arriver, ou du moins de partir. Il crachait le sang, et se soignait le moins qu'il était possible, car il se croyait coupable, et s'accusait lui-même avec une trop grande sévérité.

Il ne voulait vivre encore que pour défendre son pays.

- La patrie, se disait-il, n'a-t-elle pas sur nous quelques droits paternels ! Mais il faut pouvoir la servir utilement, il ne faut pas lui offrir l'existence débile que je traîne, allant demander au soleil quelques principes de vie pour lutter contre mes maux. Il n'y a qu'un père qui vous recevrait dans un tel état, et vous aimerait d'autant plus que vous seriez plus délaissé par la nature ou par le sort. Lord Nelvil s'était flatté que la variété continuelle des objets extérieurs détournerait un peu son imagination de ses idées habituelles ; mais il fut bien loin d'en éprouver d'abord cet heureux effet. Il faut, après un grand malheur, se familiariser de nouveau avec tout ce qui vous entoure, s'accoutumer aux visages que l'on revoit, à la maison où l'on demeure, aux habitudes journalières qu'on doit reprendre ; chacun de ces efforts est une secousse pénible, et rien ne les multiplie comme un voyage.
Le seul plaisir de lord Nelvil était de parcourir les montagnes du Tyrol sur un cheval écossais qu'il avait emmené avec lui, et qui, comme les chevaux de ce pays, galopait en gravissant les hauteurs ; il s'écartait de la grande route pour passer par les sentiers les plus escarpés. Les paysans étonnés s'écriaient d'abord avec effroi en le voyant ainsi sur le bord des abîmes, puis ils battaient des mains en admirant son adresse, son agilité, son courage. Oswald aimait assez l'émotion du danger :

elle soulève le poids de la douleur, elle réconcilie un moment avec cette vie qu'on a reconquise, et qu'il est si facile de perdre.

CHAPITRE III

Dans la ville d'lnspruck, avant d'entrer en Italie, Oswald entendit raconter à un négociant, chez lequel il s'était arrêté quelque temps, l'histoire d'un émigré français, appelé le comte d'Erfeuil, qui l'intéressa beaucoup en sa faveur. Cet homme avait supporté la perte entière d'une très grande fortune avec une sérénité parfaite ; il avait vécu et fait vivre, par son talent pour la musique, un vieil oncle qu'il avait soigné jusqu'à sa mort ; il s'était constamment refusé à recevoir les services d'argent qu'on s'était empressé de lui offrir ; il avait montré la plus brillante valeur, la valeur française, pendant la guerre, et la gaieté la plus inaltérable au milieu des revers : il désirait d'aller à Rome pour y retrouver un de ses parents dont il devait hériter, et souhaitait un compagnon, ou plutôt un ami, pour faire avec lui le voyage plus agréablement.

Les souvenirs les plus douloureux de lord Nelvil étaient attachés à la France, néanmoins il était exempt des préjugés qui séparent les deux nations, parce qu'il avait eu pour ami intime un Français, et qu'il avait trouvé dans cet ami la plus admirable réunion de toutes les qualités de l'âme. Il offrit donc au négociant, qui lui raconta l'histoire du comte d'Erfeuil, de conduire en Italie ce noble et malheureux jeune homme. Le négociant vint annoncer à lord Nelvil, au bout d'une heure, que sa proposition était acceptée avec reconnaissance.

Oswald était heureux de rendre ce service ; mais il lui en coûtait beaucoup de renoncer à la solitude, et sa timidité souffrait de se trouver tout à coup dans une relation habituelle avec un homme qu'il ne connaissait pas.
Le comte d'Erfeuil vint faire visite à lord Nelvil pour le remercier. Il avait des manières élégantes, une politesse facile et de bon goût ; et dès l'abord il se montrait parfaitement à son aise. On s'étonnait, en le voyant, de tout ce qu'il avait souffert ; car il supportait son sort avec un courage qui allait jusqu'à l'oubli, et il avait dans sa conversation une légèreté vraiment admirable quand il parlait de ses propres revers, mais moins admirable, il faut en convenir, quand elle s'étendait à d'autres sujets.

- Je vous ai beaucoup d'obligation, mylord, dit le comte d'Erfeuil, de me retirer de cette Allemagne où je m'ennuyais à périr. - Vous y êtes cependant, répondit lord Nelvil, généralement aimé et considéré. - J'y ai des amis, reprit le comte d'Erfeuil, que je regrette sincèrement, car dans ce pays-ci l'on ne rencontre que les meilleures gens du monde ; mais je ne sais pas un mot d'allemand, et vous conviendrez que ce serait un peu long et un peu fatigant pour moi de l'apprendre.

Depuis que j'ai eu le malheur de perdre mon oncle, je ne sais que faire de mon temps ; quand il fallait m'occuper de lui, cela remplissait ma journée, à présent les vingt-quatre heures me pèsent beaucoup.

- La délicatesse avec laquelle vous vous êtes conduit pour monsieur votre oncle, dit lord Nelvil, inspire pour vous, M. le comte, la plus profonde estime. - Je n'ai fait que mon devoir, reprit le comte d'Erfeuil, le pauvre homme m'avait comblé de biens pendant mon enfance ; je ne l'aurais jamais quitté, eût-il vécu cent ans ! mais c'est heureux pour lui d'être mort ; ce le serait aussi pour moi, ajouta-t-il en riant, car je n'ai pas grand espoir dans ce monde. J'ai fait de mon mieux à la guerre pour être tué ; mais puisque le sort m'a épargné, il faut vivre aussi bien qu'on le peut. Je me féliciterai de mon arrivée ici, répondit lord Nelvil, si vous vous trouvez bien à Rome, et si..... Oh mon Dieu ! interrompit le comte d'Erfeuil, je me trouverai bien partout ; quand on est jeune et gai, tout s'arrange. Ce ne sont pas les livres ni la méditation qui m'ont acquis la philosophie que j'ai, mais l'habitude du monde et des malheurs ; et vous voyez bien, mylord, que j'ai raison de compter sur le hasard, puisqu'il m'a procuré l'occasion de voyager avec vous.

- En achevant ces mots, le comte d'Erfeuil salua lord Nelvil de la meilleure grâce du monde, convint de l'heure du départ pour le jour suivant, et s'en alla.

Le comte d'Erfeuil et lord Nelvil partirent le lendemain. Oswald, après les premières phrases de politesse, fut plusieurs heures sans dire un mot ; mais voyant que ce silence fatiguait son compagnon, il lui demanda s'il se faisait plaisir d'aller en Italie.

- Mon Dieu, répondit le comte d'Erfeuil, je sais ce qu'il faut croire de ce pays-là, je ne m'attends pas du tout à m'y amuser. Un de mes amis, qui y a passé six mois, m'a dit qu'il n'y avait pas de province de France où il n'y eût un meilleur théâtre et une société plus agréable qu'à Rome ; mais dans cette ancienne capitale du monde, je trouverai sûrement quelques Français avec qui causer, et c'est tout ce que je désire. - Vous n'avez pas été tenté d'apprendre l'italien ? interrompit Oswald. - Non, du tout, reprit le comte d'Erfeuil, cela n'entrait pas dans le plan de mes études. - Et il prit en disant cela un air si sérieux, qu'on aurait pu croire que c'était une résolution fondée sur de graves motifs.

- Si vous voulez que je vous le dise, continua le comte d'Erfeuil, je n'aime, en fait de nation, que les Anglais et les Français ; il faut être fiers comme eux, ou brillants comme nous : tout le reste n'est que de l'imitation. - Oswald se tut, le comte d'Erfeuil, quelques moments après, recommença l'entretien par des traits d'esprit et de gaieté fort aimables. Il jouait avec les mots, avec les phrases d'une façon très-ingénieuse, mais ni les objets extérieurs ni les sentiments intimes n'étaient l'objet de ses discours. Sa conversation ne venait, pour ainsi dire, ni du dehors, ni du dedans ; elle passait entre la réflexion et l'imagination, et les seuls rapports de la société en étaient le sujet.

Il nommait vingt noms propres à lord Nelvil, soit en France, soit en Angleterre, pour savoir s'il les connaissait, et racontait à cette occasion des anecdotes piquantes avec une tournure pleine de grâce ; mais on eût dit, à l'entendre, que le seul entretien convenable pour un homme de goût, c'était, si l'on peut s'exprimer ainsi, le commérage de la bonne compagnie.

Lord Nelvil réfléchit quelque temps au caractère du comte d'Erfeuil, à ce mélange singulier de courage et de frivolité, à ce mépris du malheur, si grand s'il avait coûté plus d'efforts, si héroïque s'il ne venait pas de la même source qui rend incapable des affections profondes. - Un Anglais, se disait Oswald, serait accablé de tristesse dans de semblables circonstances. D'où vient la force de ce Français ? D'où vient aussi sa mobilité ?
Le comte d'Erfeuil en effet entend-il vraiment l'art de vivre ? Quand je me crois supérieur, ne suis-je que malade ? Son existence légère s'accorde-t-elle mieux que la mienne avec la rapidité de la vie ? et faut-il esquiver la réflexion comme une ennemie, au lieu d'y livrer toute son âme ? - En vain Oswald aurait-il éclairci ces doutes, nul ne peut sortir de la région intellectuelle qui lui a été assignée, et les qualités sont plus indomptables encore que les défauts.

Le comte d'Erfeuil ne faisait aucune attention à l'Italie, et rendait presque impossible à lord Nelvil de s'en occuper ; car il le détournait sans cesse de la disposition qui fait admirer un beau pays et sentir son charme pittoresque.

Oswald prêtait l'oreille autant qu'il le pouvait au bruit du vent, au murmure des vagues ; car toutes les voix de la nature faisaient plus de bien à son âme que les propos de la société tenus au pied des Alpes, à travers les ruines et sur les bords de la mer.

La tristesse qui consumait Oswald eût mis moins d'obstacle au plaisir qu'il pouvait goûter par l'Italie, que la gaieté même du comte d'Erfeuil : les regrets d'une âme sensible peuvent s'allier avec la contemplation de la nature et la jouissance des beaux-arts ; mais la frivolité, sous quelque forme qu'elle se présente, ôte à l'attention sa force, à la pensée son originalité, au sentiment sa profondeur. Un des effets singuliers de cette frivolité était d'inspirer beaucoup de timidité à lord Nelvil dans ses relations avec le comte d'Erfeuil :
l'embarras est presque toujours pour celui dont le caractère est le plus sérieux. La légèreté spirituelle en impose à l'esprit méditatif ; et celui qui se dit heureux semble plus sage que celui qui souffre.

Le comte d'Erfeuil était doux, obligeant, facile en tout, sérieux seulement dans l'amour-propre, et digne d'être aimé comme il aimait, c'est-à-dire comme un bon camarade des plaisirs et des périls ; mais il ne s'entendait point au partage des peines. Il s'ennuyait de la mélancolie d'oswald, et par bon coeur, autant que par goût, il aurait souhaité de la dissiper. - Que vous manque-t-il ? lui disait-il souvent. N'êtes-vous pas jeune, riche, et, si vous le voulez, bien portant ? car vous n'êtes malade que parce que vous êtes triste.

Moi, j'ai perdu ma fortune, mon existence, je ne sais ce que je deviendrai, et cependant je jouis de la vie comme si je possédais toutes les prospérités de la terre.

- Vous avez un courage aussi rare qu'honorable, répondit lord Nelvil ; mais les revers que vous avez éprouvés font moins de mal que les chagrins du coeur. - Les chagrins du coeur, s'écria le comte d'Erfeuil, oh ! c'est vrai, ce sont les plus cruels de, tous..... Mais..... mais..... encore faut-il s'en consoler ; car un homme sensé doit chasser de son âme tout ce qui ne peut servir ni aux autres ni à lui-même. Ne sommes-nous pas ici-bas pour être utiles d'abord, et puis heureux ensuite ?

Mon cher Nelvil, tenons-nous-en là. Ce que disait le comte d'Erfeuil était raisonnable dans le sens ordinaire de ce mot, car il avait, à beaucoup d'égards, ce qu'on appelle une bonne tête :

ce sont les caractères passionnés, bien plus que les caractères légers, qui sont capables de folie ; mais, loin que sa façon de sentir excitât la confiance de lord Nelvil, il aurait voulu pouvoir assurer au comte d'Erfeuil qu'il était le plus heureux des hommes, pour éviter le mal que lui faisaient ses consolations.

Cependant le comte d'Erfeuil s'attachait beaucoup à lord Nelvil ; sa résignation et sa simplicité, sa modestie et sa fierté lui inspiraient une considération dont il ne pouvait se défendre. Il s'agitait autour du calme extérieur d'Oswald, il cherchait dans sa tête tout ce qu'il avait entendu dire de plus grave dans son enfance à des parents âgés, afin de l'essayer sur lord Nelvil ; et tout étonné de ne pas vaincre son apparente froideur, il se disait en lui-même :

- Mais n'ai-je pas de la bonté, de la franchise, du courage ? ne suis-je pas aimable en société ? que peut-il donc me manquer pour faire effet sur cet homme ? et n'y a-t-il pas entre nous quelque malentendu qui vient peut-être de ce qu'il ne sait pas assez bien le français ?